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 autobiographie d'une pilote non ordinaire - caledonie: Pilote de Boeing !

03/10/2020

 autobiographie d'une pilote non ordinaire - caledonie: Pilote de Boeing !

Née en 1959 en Champagne, Mirabelle Forsythia grandit à Lyon où elle vécut une enfance presque standard. Presque seulement car depuis toujours Mirabelle se sent différente, hors de la norme sociétale. « Qu’est-ce que je fais sur cette planète ? » demande-t-elle constamment aux étoiles. Percevant les choses autrement, se heurtant à des murs d’incompréhension, elle explose à l’adolescence dans une rébellion sans concession (...) Devenue tout naturellement enseignante de yoga, Mirabelle donne à présent des cours en Haut Beaujolais et nous raconte son vécu par des livres et conférences dont on ne ressort jamais complètement indemne! "Autobiographie d'une pilote non ordinaire" est son premier roman. C’est le récit de cette vie.

 

 

Calédonie: Pilote de Boeing! - Extraits


Une vie de rêve commence alors pour moi. Je vole sur le Boeing, au-dessus des paysages époustouflants de beauté du Pacifique, à un rythme qui me permet de découvrir une des régions les plus splendides de la Terre et lorsque mon hôte et ses enfants s’envolent finalement vers la France, je m’installe à Vallon Doré, près de Nouméa et de l’océan, dans une maisonnette en bois peint entourée de fleurs tropicales. Meubles en bambous et tentures orientales, me voici dans mon cocon. Incapable de rester en place, je me donne de nouveaux challenges sportifs qui prennent la suite des challenges professionnels. Marche, nage, vélo, mon corps a retrouvé sa forme, alors je le pousse à fond, oubliant déjà mes fragiles résolutions ainsi que les conseils de mon ami l’arbre : je grimpe des côtes raides sur la première vitesse du vélo en transpirant sous le soleil impitoyable réverbéré par le sable blanc tout en observant de temps à autre le sommet visé : « J’y arriverai ! Oui, j’y arriverai ! Je suis un guerrier ! »


C’est mon leitmotiv. J’avais décidé d’être pilote, je suis devenue pilote. J’avais décidé de voler sur Boeing, me voilà sur le Boeing. Oui ! Je suis un guerrier ! Un guerrier qui, depuis la Guyane, depuis que se répètent tant et tant de souffrances amoureuses, depuis qu’il vit tant et tant de séparations douloureuses, a aussi imprimé dans sa tête une phrase positive qui lui donne de la force : transformer la douleur du passé en énergie des trésors acquis pour aller de l’avant. Car j’ai découvert ainsi qu’un cercle vertueux, alimenté par un effort constant de pensée positive, s’auto-engendre. Et ça fonctionne. Du moins dans une certaine mesure, car j’échappe ainsi à la dépression totale.


En fait, est-ce vraiment moi, Mirabelle Forsythia, qui ai décidé de devenir pilote, puis pilote de Boeing ? Je me le demande bien. Je croyais aussi avoir décidé de vivre avec l’amour de ma vie, tranquillement jusqu’à la fin de mes jours et je n’ai plus rien compris quand tout s’est arrêté. Les interrogations passent par flashs, mais je ne m’y arrête pas encore. Le temps en Calédonie n’est pas à la métaphysique. Je découvre que je suis dans mon élément de voyageuse toujours avide d’aventures et de découvertes grâce auxquelles je peux compenser le grand vide qui persiste dans mon cœur. Et les paysages captivants de l’île dont les étendues désertes et énigmatiques me magnétisent au plus haut point, deviennent le terrain de mes explorations solitaires. Parfois un rapace aux ailes gigantesques se pose non loin de mon vélo et me regarde. Alors je m’arrête un moment, le temps de plonger mes yeux dans les siens jusqu’à ce qu’il décide de s’envoler. Ébahie je poursuis du regard les reflets argentés qui montent dans le ciel, puis un cri, et il trace… Béate, un rien sonnée, la petite lumière au-dedans s’est rallumée.
Parfois, ce sont les amis pilotes qui m’invitent à leurs sorties familiales, en montagne, en mer ou vers les îles entourées de sable blanc et d’eau cristalline. Quoique ces escapades me ravissent, elles soulignent du même coup cruellement ma différence : cette solitude qui, malgré tous mes efforts, colle à ma vie. Quel est donc le mystère qui me cloître dans cet isolement ?


Le contact n’a pas été totalement rompu avec le champion-entraîneur volant et, lors d’un entraînement que son équipe vient effectuer entre Sydney et Nouméa, nous allons même nous revoir. Mieux, je me suis arrangée pour ramener mon héros depuis Sydney vers Nouméa, dans mon avion, en lui laissant partager les joies du cockpit. Je ne suis pas peu fière et toujours amoureuse… du moins je me le fais croire. Mais cette fois point de dérapage, monsieur le Champion restera imperturbable et moi toute perturbée !


Ainsi ma vie continue sans que je comprenne grand-chose… Je n’aime que des hommes inaccessibles et me fracasse inlassablement sur les rochers tandis que la solitude m’emporte sur ses ailes, toujours plus loin, toujours plus haut. Parfois le vertige se glisse lorsque j’en prends conscience, car je note également qu’il est quelques hommes qui s’intéressent à moi, libres ceux-là, mais je les ignore, comme s’ils n’existaient pas. Pourquoi ? Je questionne les étoiles, mes fidèles amies. Mais elles restent muettes…

Je déménage. De plus en plus loin, à Bouraké. C’est un petit village proche de l’aéroport. Mais je ne suis ni au village ni à l’aéroport, j’ai trouvé une maison encore plus isolée, loin, très loin, au bord de l’océan, au bout de l’île, au bout du monde. Complètement isolée, absolument seule. Il n’y a rien ni personne ici que les oiseaux et la mer. Que les oiseaux et la mer. Je vais à l’aéroport avec mon auto et rentre dans ma retraite après les vols. Peu de visiteurs viendront si loin pour me voir et je n’irai à Nouméa que rarement, juste pour les leçons de tai-chi.


Petite ville de riches colons aux intérêts très superficiels, Nouméa fait se côtoyer une population très variée, pas toujours en bonne harmonie. Il y a les Caldoches, Français immigrés en Calédonie depuis plusieurs générations, les Zoreilles, Français qui comme moi sont de passage pour quelques semaines, mois ou années, et puis les Kanaks, les habitants indigènes de l’île qui vivent là depuis toujours. Ils sont rares à Nouméa, préférant garder leurs traditions vivantes dans les villages des montagnes. Le peu de contact que j’ai avec les populations révèle à mes yeux beaucoup de rivalités, de relations de pouvoir, de ségrégation, voire de racisme ou de colonialisme. La politique à cette époque est encore un sujet très délicat, suscitant passions, révoltes, colères, oppositions. L’indépendance est sur la sellette, on questionne : dans dix ans ? Des votes, des manifestations prennent place de-ci de-là, dont j’entends vaguement parler comme au travers d’un filtre, car de toutes façons les affaires de drapeaux ne m’intéressent pas. De plus le temps ne me sera pas donné pour approfondir ces découvertes…


Dans ma bulle protégée, loin des mouvements de société, je me laisse bercer par la nature grandiose. Lorsque je marche en chantant sur la plage infinie, me sentant en symbiose avec la Terre et le cosmos, des oiseaux blancs aux allures de pélicans se posent tout près de moi. Tranquilles, ils lissent de leur gros bec, leurs ailes souvent souillées de vase, tandis que l’écume des vagues lèche leurs pattes palmées collées aux rochers. Observant un invisible univers, ils semblent attendre quelque signe. Soudain, les voilà jetant des cris perçants, agitant bruyamment leurs ailes, piétinant quelques secondes la grève, et ils s’envolent patauds et splendides, vers une destination inconnue souvent au ras des flots. Je continue à chanter en les suivant du regard, parfois ils reviennent, parfois ils disparaissent. Alors j’observe les escargots de mer. Tellement cocasses, portant leur maison carapace sur leur dos invisible, ils sont roulés boulés par le ressac incessant et dansent au milieu des algues marines. Un parfum enivrant mêlé de sel, d’embruns et d’horizons lointains me saoule délicieusement et, même si mes questions lancinantes n’ont toujours pas de réponse, dans mon repère du bout de l’île je dors à poings fermés comme un bébé dans les bras de l’Univers.
*
Un jour mes parents arrivent. La compagnie est assez flexible pour arranger mon planning de telle sorte que, lors d’un vol sur Sydney, maman fasse l’aller dans le cockpit et papa le retour. Comme je suis fière ! Enfin ils voient que, toute inconsciente ou utopiste que je paraisse, je peux être aussi une bonne pilote de Boeing. Sans compter que nous reçûmes un cadeau exceptionnel lors de ce retour : alors que nous étions au point d’arrêt du milieu de piste, attendant notre tour pour décoller, nous apprenons qu’un gros Boeing 747 s’apprête à prendre son envol du bout de la piste.


« Regarde bien, papa, là-bas à gauche au fond de la piste, il arrive ! » Papa penche son grand corps entre le captain et moi pour mieux voir et assiste, comme nous, au spectacle époustouflant.


Le géant roule au loin, prend de la vitesse en grossissant rapidement. Et bientôt l’énorme jumbo devient oiseau exactement sous nos yeux : son nez se lève, ses pattes-roues multiples décollent du sol dans un fracas visible, se lâchent en vibrant grossièrement, ses ailes gigantesques ondulent, battent l’air en dansant au rythme de l’envol dans une amplitude ahurissante et, dans une légèreté qui nous laisse ébahis, l’oiseau s’envole. C’est majestueux. Ça tient du miracle. Émue je regarde papa, une petite larme perle au bord de ses yeux. Pareil pour moi. Émotion forte. Inouïe symphonie.


Mes parents partis, je retrouve mon vélo, la marche, la natation et ma solitude... Il y a bien un captain qui me plaît mais évidemment il n’est pas libre. Pourquoi est-ce que je ne rencontre pas un autre amour ? Pourquoi les hommes qui m’attirent sont-ils tous impossibles ? Pourquoi les hommes que j’attire ne m’intéressent-ils pas ? Les mêmes questions basiques reviennent et je n’ai toujours pas de réponse. J’essaie de comprendre, je cherche, j’observe. Quel est donc ce nœud qui me bloque ? À moins que ce soit un voile qui obstrue ma vision ?

 

Parfois mes comportements me font peur : un jour je crie après un ami copilote parce qu’il propose une sortie au restaurant à tout l’équipage. D’un seul coup, sans que j’aie rien pu arrêter, une colère rageuse sort de ma bouche et arrose tout le monde de cris empoisonnés, d’un venin acide que je ne peux pas rattraper, comme lorsque j’avais crié après Antoine. Je me hais. Je me sens habitée par un démon plus fort que moi, qui n’est pas moi mais qui est là, en moi. J’ai beau présenter mes excuses au copilote une fois la rage passée, cela n’ôte pas l’amertume, ni dans mon cœur ni en l’ami. Quelque chose est brisé. J’ai honte de moi. Quel est ce processus diabolique ? Il faut que je change, mais comment ? Encore des questions sans réponses…

Bientôt, je me sens à bout de ressources pour combler le vide de ma vie. Ni les vols fascinants ni les challenges sportifs n’arrivent à faire disparaître la nausée de cette solitude qui me colle à la peau comme une glue. Les colères injustifiées apparaissent pour un oui pour un non, accompagnées de maux dans tout le corps, signes d’un malaise à présent évident.


Du reste, il y a eu cette douleur étrange dans un œil, lors du vol d’observation que j’ai dû effectuer avant mon tout premier vol comme copilote. Un signe ? J’étais entrée dans le cockpit pour observer, puisque c’était mon devoir. Et comme si le soleil avait lancé une épée dans mon œil droit, perçant le bord de mes Rayban, une douleur aiguë s’est allumée dans ma tête, qui a persisté durant tout le vol. Paniquée à l’idée de rater mon début sur Boeing, je n’ai rien dit à personne et, à mon grand soulagement, cela ne s’est guère reproduit par la suite, ou alors bien plus tard…


À cette époque, fin1998, j’ai des tensions partout dans le dos, surtout dans la nuque. Je vais voir un ostéopathe très compétent qui me dit qu’il ne peut rien faire tant je suis tendue : « Il faudrait surtout que vous vous détendiez », me dit-il. Que je me détende ? Je le regarde abasourdie comme s’il me parlait chinois. Qu’est-ce que ça veut dire se détendre ? À l’instar de la modération, la détente ne fait pas partie de mon vocabulaire, encore moins de ma vie. Pourtant, lorsque je suis au simu à Melbourne et que je ne peux plus tenir le manche tant j’ai mal, je commence à imaginer ce que la détente pourrait apporter.


L’ostéopathe m’envoie chez une jeune kinésithérapeute, Mireille, qui pratique une méthode spéciale dite Mézière. Nous sympathisons rapidement et son visage flamboyant de soleil me montre la réalité :
« Regarde-toi dans ce miroir, tu ne remarques rien ?
– Hum… ma foi… »


Tout décoré de tentures bleu turquoise à l’image du ciel tropical, le cabinet de Mireille est bien agréable, des senteurs de crèmes et d’encens orientaux baignent la place, la flamme d’une bougie anime le coin où est tendu un paravent de bambou. Et par les fenêtres, les bougainvilliers d’un rose éclatant grimpent jusqu’à l’étage, s’accrochent aux montants comme s’ils voulaient entrer boire le thé avec nous. D’ailleurs j’aimerais mieux boire un thé au jasmin que regarder dans cette glace, le reflet de mon corps tendu.


" Ben non, je vois rien ! Bon, je suis pas bien droite oui, c’est vrai, mais quoi…
– Regarde ton épaule droite, et puis ton épaule gauche, tu ne vois rien ?
– Ah mais oui, tu as raison…
– Tu vois c’est net, ton épaule droite est musclée et gonflée comme le bras de Popeye tu ne trouves pas ?
– Tandis que le bras gauche est fluet comme les cannes d’Olive !
– Exactement…
– Ben dis donc… Mais comment se fait-il ?... soudain je prends peur  devant l’évidence…
– Tu m’as bien dit que tu pratiquais beaucoup de sport ?
– Hum, oui, c’est vrai, la gym aérobic, la natation, le vélo, la course, j’ai même préparé un marathon il y a deux ans, en Guyane…
– Et ?
– Ben… J’ai du déclarer forfait à quinze jours de la course, blessure. »
J’avoue toute penaude ce qui resta pour moi un échec cuisant et une grosse déception, quoi que simplement le résultat de mon inconscience…
« Bon mais et alors ? C’est loin tout ça, c’était il y a deux ans !
– Tu sais Mirabelle, le corps garde la mémoire des blessures…
– Oui, bon, je veux bien, j’y ai été trop fort, d’accord, je sais pas modérer moi, mais en tous cas je vois pas ce que la course vient faire avec mes épaules décalées !
– Je ne dis pas que le rapport est direct, mais tu sais, dans le corps, tout est lié : imagine ta colonne vertébrale comme le mât d’un grand voilier, tu vois ? Et tes bras, tes jambes, avec toutes les articulations, tendons muscles et tout, seraient comme le gréement, avec les voiles, haubans, vergues, cordages et tout, tu vois ?
Ah l’image est claire, même si je n’y connais rien en voile ; je comprends que lorsqu’une voile se déchire, ou un hauban ou quoi, l’équilibre se dérègle, entraînant dans un mouvement incertain le reste du gréement, peut-être jusqu’au faîte du mât qui s’efforce de maintenir l’édifice debout ; je vois même l’équipage affairé aux cordages, bordant les écoutes par ici, choquant par là… C’est limpide…

« Le corps compense en fait, c’est ça ?
– Exactement ! Si tu te foules la cheville, tu ne vas pas rester allongée jusqu’à ce que ça guérisse, tu continues à marcher, mais en boitillant, et durant ce temps, le corps compense pour continuer à assurer son job. Alors si ça ne dure que quelques jours ou semaines, tout baigne, mais je ne suis pas sûre que ça soit ton cas… »
Je baisse la tête, confuse d’avoir été à ce point inconsciente…
« Pourtant mes amies m’avaient mise en garde tu sais ! « Tu approches quarante ans… qu’elles disaient… à cet âge le corps ne réagit pas comme avant, tu devrais te modérer »… Tu parles, me modérer, moi ? Je ne sais pas faire.
– Et ton entraîneur non plus ne voulait pas t’entraîner…
– Ben non… C’est moi qui l’ai poussé à accepter ! Mais tu sais, en quittant la Guyane, j’ai reçu un message de sagesse : j’allais souvent voir un grand arbre, un Fromager immense, sur la colline de Matoury, un arbre sacré des Indiens d’Amazonie. Et bien en quittant la Guyane, j’avais tellement mal dans mon cœur, que j’ai pris son tronc dans mes bras, enfin c’est plutôt lui qui m’a prise dans ses « bras » car je faisais même pas le tour… »
Mireille écoute attentivement mon récit tandis que des larmes perlent au bord de mes yeux au souvenir de ce moment fabuleux.
« J’étais tellement triste, tu sais, mes amours déchirés, cette solitude qui me colle, et j’allais quitter ce pays que j’aimais, alors j’ai demandé à Ceiba pentandra (c’était son nom) « mais qu’est-ce que je dois faire ? Dis-moi !» J’étais éplorée, en larmes, désespérée. Et là, contre l’écorce rugueuse, j’ai entendu l’arbre chuchoter : « Modère »….
– Modère ?
– Oui, « Modère » c’est tout ce qu’il a dit, mais j’ai immédiatement compris. Je suis comme une fusée qui peut jamais s’arrêter. Et j’ai besoin de me modérer. J’ai compris, et par-dessus tout, j’ai été subjuguée que l’arbre m’ait parlé. À moi, petite pilote de brousse de rien du tout...
– Et tu as quitté la Guyane, et tu as passé tes licences pour piloter un Boeing, et à présent tu es là en Calédonie…
– Et je ne sais toujours pas me modérer… Tu vois bien, après un an sans sports, j’ai déjà repris à fond vélo, gym et tout…
– Dans les avions ça se passe comment ?
– Ah ça j’adore tu sais, c’est tellement enivrant ! Voler sur Boeing, je n’aurais jamais cru que ça me plairait, moi j’aime tellement piloter, je veux dire, piloter pour de vrai, tenir le manche, faire des approches à la main et tout. Et bien figure-toi que même sur le Boeing c’est possible ! C’est un avion qui se pilote vraiment, et dans le réseau Air Calin, nous allons sur des pistes… ah je te dis pas, comme quand j’étais pilote de brousse en Guyane ! Des pistes aux approches délicates, il faut calculer des descentes, glisser le long des reliefs, adopter des trajectoires bizarroïdes en évitant les tourbillons pour poser les roues de notre avion sur une bande de bitume longue de mille mètres, calée sur un bout de terre entre montagnes et océan. C’est fabuleux tu sais !
– Je peux à peine imaginer ! Mais ceci dit, tout cela doit causer beaucoup de stress dans les épaules, c’est une zone où nous emmagasinons les tensions quotidiennes et si nous ne détendons jamais notre corps, et bien il se crispe, et en se crispant, il se déforme, car il doit « compenser » pour continuer…
– D’où Popeye et Olive…
– D’où Popeye et Olive… »


Les yeux verts de Mireille plongent affectueusement dans les miens dont j’essuie doucement les larmes. Elle est belle Mireille, toute fluette dans sa robe à fleurs sans manche, ses taches de rousseur sourient avec les fossettes de ses joues tandis que ses cheveux résolument roux brillent du soleil de midi. Midi ? Ouh, avec tout ça le temps passe et je devrais partir mais quelque chose me retient. Que vais-je devenir avec un bras en acier, l’autre en caoutchouc et des douleurs de partout ? Comme si elle entendait ma détresse silencieuse, Mireille répond doucement :


« Il y a quelque chose que tu peux faire…
– Ah oui ? Je t’écoute !
–  Du yoga.
– Quoi ? Du yoga ? Ah non alors ! Dormir sur des tapis ? Rester assise sans rien faire ? Ah non, pas du yoga ! »
Ses sourcils se froncent imperceptiblement, découvrant le doux sillon d’une ride à peine ébauchée sur son front. Son visage brille et respire la bienveillance…
« Tu sais, le yoga a complètement guéri les douleurs de nuque de mon mari, vraiment tu devrais essayer !
– C’est vrai ? Tu crois ?
– Pourquoi je te dirais ça si ça n’était pas vrai ?
– Oui, pardon, tu as raison, je suis toute tourneboulée tu sais… Je t’ai dit beaucoup de choses, je n’ai pas l’habitude…
– Je comprends. Justement, parler t’a permis de lâcher un peu de cette tension qui t’habite. Va, essaie le yoga, ça ne coûte rien que le prix d’une séance et qui sait… Tu pourrais y trouver un grand réconfort sans avoir besoin de pommades ou de pilules !
– Top là Mireille ! Tu as raison, je ne risque rien à essayer… »


C’est gonflée d’une joie toute nouvelle que je quitte le cabinet de Mireille. Il est une heure tapante. Elle m’a fait faire quelques mouvements et pour finir, nous avons bu… un thé au jasmin !

« Voici l’adresse, le téléphone et le nom du prof, je crois que c’est tous les lundis, tu peux appeler aujourd’hui et commencer la semaine prochaine !
– Super ! Mireille tu es un ange, mille mercis, je te tiens au courant ! »


La leçon du lundi s’avère formidable. Cours de yoga Iyengar. Inconnu au bataillon. Des outils partout, planches, briques, cordes, auxquels nous accrochons tantôt les jambes, tantôt le buste, ou même la tête et restons de longues minutes à respirer... Que de sensations épatantes ! Il semble qu’une porte s’ouvre sur un monde de perceptions non encore exploré d’une profondeur inconnue. Je deviens immédiatement élève assidue, sans me douter de l’ampleur des transformations qui s’annoncent…

 

 

 

Autobiographie d'une pilote non ordinaire

Avec l'aimable autorisation de Mirabelle Forsythia

 

 

 

 

 

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